L’exception d’inexécution : comment suspendre ses obligations contractuelles ?
Publié le :
30/12/2025
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Le principe "Pacta sunt servanda" consacre l'obligation de respecter et d'exécuter de bonne foi les engagements contractuels. Toutefois, il arrive qu’un cocontractant manque à ses obligations en cessant toute exécution. Dans ce cas, le droit offre une solution au cocontractant lésé : l’exception d’inexécution.
Ce mécanisme prévu par l’article 1217 du Code civil permet au créancier d’une obligation de suspendre l’exécution de ses propres engagements en réponse à l’inexécution de son débiteur. Toutefois, cette faculté demeure strictement encadrée et doit être exercée avec prudence.
La mise en œuvre de l’exception d’inexécution
L’application de l’exception d’inexécution est régie par les articles 1219 et 1220 du Code civil. En pratique, la partie souhaitant invoquer l’exception d’inexécution doit démontrer certaines conditions :
- L’exigibilité de l’obligation ;
- Une inexécution d’une gravité suffisante.
Elle peut également exercer ce droit lorsqu'il est évident que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance convenue et que cette inexécution présente un degré de gravité suffisant.
L’exception d’inexécution offre donc un moyen de défense pertinent à chaque cocontractant. Toutefois, la rédaction de l’article laisse planer un doute quant à l’appréciation de la gravité de l’inexécution. En cas de litige, le créancier de l’obligation devra démontrer que l’usage de l’exception d’inexécution était justifié.
En matière de bail commercial, il a pu être jugé que l’exception d’inexécution est justifiée lorsque le locataire est dans l’impossibilité d’user des locaux. Ainsi, la présence de déchets enfouis dans le sol, n’ayant pas empêché le locataire d’exploiter normalement les lieux ne justifie pas l’usage de l’article 1219 du Code civil (CA, Metz du 28 avril 2023, n°22/01205).
Dans la même veine, une société n’est pas fondée à invoquer l’exception d’inexécution en raison d’un matériel défectueux sans avoir au préalable contacté le fournisseur pour remédier au problème technique et sans établir que la défectuosité était suffisamment grave (CA, Paris du 7 juin 2021, n° 19/19252).
La partie désireuse d’appliquer ce mécanisme devra donc s’attacher à analyser de manière juste la situation contractuelle. En cas d’inexécution partielle, le cocontractant pourra par exemple suspendre proportionnellement une partie de ses obligations.
Il reste toutefois recommandé d’aménager contractuellement le recours à l’exception d’inexécution. Les parties pourront ainsi définir au préalable la gravité nécessaire pour mettre en œuvre ce droit.
Les recours complémentaires : résolution et droit de rétention
Au-delà de l’exception d’inexécution, le créancier d’une obligation dispose d’autres recours face au manquement de son cocontractant. L’article 1217 du Code civil lui permet notamment de solliciter la résolution du contrat. Dans certains cas, il peut également exercer son droit de rétention.
- La résolution du contrat :
La résolution met un terme à la relation contractuelle et est encadrée par les articles 1224 à 1230 du Code civil. Elle peut être prévue par une clause résolutoire, qui définit les engagements dont l’inexécution entraînera automatiquement la fin du contrat.
Le créancier peut également prononcer unilatéralement la résolution, sous réserve de mettre préalablement en demeure le débiteur d’exécuter son obligation dans un délai raisonnable. Cette mise en demeure doit mentionner qu’à défaut d’exécution, le contrat pourra être résolu. Si l’inexécution persiste, le créancier devra alors justifier sa décision de résoudre le contrat.
Toutefois, en cas d’urgence, il peut écarter cette procédure et notifier directement la résolution. En cas de contestation, il lui appartiendra de démontrer le caractère grave et urgent de la situation.
Il a également été jugé qu’une société pouvait prononcer la résolution du contrat sans mise en demeure lorsqu’il apparaît qu’elle est vaine (Cass. com., 18 oct. 2023, n° 20-21.579)
Enfin, lorsque le contrat est conclu avec un consommateur ou un non-professionnel, l’article L216-6 du Code de la consommation prévoit la possibilité de résoudre le contrat après mise en demeure.
- Le droit de rétention :
Consacré par l’article 2286 du Code civil, le droit de rétention permet à un créancier, lorsqu’il détient un bien appartenant à son débiteur, de refuser de le restituer tant que l’obligation contractuelle n’est pas exécutée.
À titre d’exemple, un transporteur peut refuser de livrer une marchandise en cas d’impayé. De même, dans le cadre d’une prestation sur des équipements, le prestataire peut retenir les éléments concernés jusqu’au règlement de sa créance.
Ce recours s’avère particulièrement efficace, car il exerce une pression en immobilisant un bien essentiel pour le cocontractant.
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